La chambre des représentant·es

En 1929, Lucie Dejardin devenait la première femme élue députée en Belgique. Presque un siècle plus tard, quelle place les femmes occupent-elles en politique ? Qui peut faire entendre sa voix ?

Regardons la situation à la Chambre, le lieu où Lucie Dejardin avait été élue, et où aujourd’hui encore les député·es Belges se réunissent pour débattre et voter des projets de lois, interpeller le gouvernement, valider les budgets, etc.

Contrairement à ce que son nom officiel indique, on ne trouve pas que des hommes à la “Chambre des représentants”. En 2021, y siégeaient 63 femmes et 87 hommes. En plus des 150 député·es, les membres du gouvernement (ministres et secrétaires d’État) s’y expriment régulièrement.

Les comptes rendus des séances étant publics, il est possible de savoir qui a pris la parole, et pour combien de temps. Voici toutes les personnes qui se sont exprimées à la Chambre en 2021. La taille des bulles représente leur temps de parole total sur l’année.

On y voit une grande disparité: quelques intervenant·es prennent beaucoup de place tandis que d’autres sont beaucoup plus discrèt·es.

Mais y a-t-il une différence entre les femmes et les hommes ?

Temps de parole des hommes et femmes à la Chambre en 2021

Il y a une légère différence: les femmes ont eu 46% du temps de parole en 2021, et les hommes 54%.

Cela contraste fort avec la situation au parlement wallon, où les hommes occupent 80% du temps de parole.

Cela dit, il est intéressant de regarder ces données de plus près, car la réalité est plus complexe.

Pour comprendre la situation actuelle, il faut regarder le passé. Voyons comment le temps de parole des femmes à la Chambre a évolué ces 15 dernières années.

Évolution du temps de parole des femmes à la Chambre

En pourcentage du temps de parole total

De 2007 à 2019, les femmes avaient entre 20% et 30% du temps de parole, avant de rapidement augmenter en 2020 et 2021.

La raison principale de ce brusque changement est l’arrivée, en octobre 2020, d’Eliane Tillieux au poste de présidente de la Chambre des représentants. Elle est la première femme à occuper cette fonction.

En effet, présider la Chambre implique entre autres d’introduire les séances, d’annoncer l’ordre du jour, de lire des communications, de distribuer la parole, de rappeler le cadre, etc. Entre 2007 et 2021, les président·es ont occupé entre 10% et 15% du temps de parole. Leurs prises de paroles ne sont donc pas vraiment comparables à celles des autres intervenant·es.

Que se passe-t-il si on retire les interventions des président·es ?

Évolution du temps de parole des femmes à la Chambre, hors prises de parole du président ou de la présidente

En pourcentage du temps de parole total

Le brusque saut des deux dernières années disparaît, et on aperçoit maintenant une lente évolution vers plus d’égalité de temps de parole entre hommes et femmes. La parité, cependant, n’est pas encore atteinte.

Derrière cette évolution se cachent deux phénomènes:

En se combinant, ces deux phénomènes réduisent petit à petit la disparité entre hommes et femmes à la Chambre.

Pour autant, la parité n’est pas encore atteinte, et les acquis d’hier ne garantissent pas les progrès de demain.

A propos

Recherche, écriture et graphiques par Robin Devooght, avec l’aide de Laura Gomez Wigley

Traduit en néerlandais par Manuel Claeys Bouuaert.

La conception de cet article a commencé par la création d’une base de données de toutes les interventions à la Chambre de représentants sur la période 2007-2021, sur base des comptes rendus mis à disposition sur lachambre.be. Cette base de données a permis de compter, pour chaque intervenant·e, le nombre de mots prononcés pendant les séances plénières de la Chambre, puis de voir comment ces prises de paroles se répartissaient entre hommes et femmes. J’ai utilisé par facilité l’expression “temps de parole”, mais pour être exact il faudrait donc parler de nombre de mots prononcés et non de durée d’interventions.

Je remercie M. Frederik Verleden du service des Affaires juridiques et de la Documentation parlementaire de la Chambre pour m’avoir fourni des données précises sur les mandats des député·es.

Les inégalités liées au genre, aussi extrêmes soient-elles, ne sont qu’un des facteurs qui se combinent pour créer les inégalités de représentations dans nos parlements et nos gouvernements. Il serait intéressant d’étudier cette base de données de manières plus détaillées, en tenant compte d’autres indicateurs comme l'âge, le milieu socio-économique, l’origine, etc.

Si vous êtes intéressé·e par ces données, ou par des données similaires au niveau du parlement wallon, n'hésitez pas à me contacter: robin.devooght[at]mailo.com

Les graphiques et animations sont réalisés à l’aide de la librairie D3.js. Le code source de cette page ainsi que les données utilisées sont disponibles sur github.