La Wallonie compte plus de 3,6 millions d'habitant·es, chacun·e ayant son histoire, ses opinions, son identité.
Pour les représenter, 75 député·es sont élu·es pour s'exprimer et débattre au sein du parlement wallon.
Mais qui s'exprime réellement au parlement ?
Pour arriver au parlement, il faut d'abord être sur une liste électorale.
En 2019, 18 partis ont présenté 757 candidat·es effectif·ves et 789 suppléant·es.
757 candidat·es effectif·ves des élections régionales de mai 2019.
Tou·tes les candidat·es doivent s'identifier comme "homme" ou "femme", et les listes doivent respecter la parité.
Cela dit, les listes de longueur impaire auront soit un homme soit une femme en plus, et déjà une inégalité apparaît: on trouve sur les listes 51% d'hommes, alors qu'ils représentent 48% de la population adulte
369 femmes et 388 hommes candidat·es effectif·ves des élections régionales de mai 2019.
26 mai 2019, ce sont les élections. 2,2 millions de personnes votent et élisent 31 femmes et 44 hommes.
31 femmes et 44 hommes élu·es le 26 mai 2019.
Démarrent alors les négociations gouvernementales. Certain·es élu·es deviennent ministres ou refusent leur place au parlement et sont alors remplacé·es par leur suppléant·e.
31 femmes et 44 hommes élu·es le 26 mai 2019.
Au final, le parlement compte 28 femmes et 47 hommes.
Et l'on compte 3 femmes et 5 hommes parmi les ministres.
Composition du parlement et du gouvernement de la région wallonne en janvier 2020.
N.B: Christophe Collignon a remplacé Pierre-Yves Dermagne à partir d'octobre 2020.
Dans les graphiques qui montrent le temps de parole des ministres et député·es en 2020, nous représenterons à la fois C. Collignon et P.-Y. Dermagne.
Ces 31 femmes et 52 hommes sont les personnes qui ont accès à la parole au parlement wallon, et sont censées représenter l'ensemble de la population wallonne.
31 femmes et 52 hommes, député·es ou ministres en janvier 2020.
Là aussi, la répartition se fait en faveur des hommes, qui occupent 82% du temps de parole, alors qu'ils occupent 63% des sièges.
Plusieurs mécanismes se cachent derrière cette inégalité.
La taille des bulles est proportionnelle aux nombre de mots prononcés au parlement wallon en 2020.
Regardons d'abord le sommet du classement. Les 10 personnes parlant le plus représentent à elles seules 62% du temps de parole total.
On ne retrouve dans ce top 10 que des personnes ayant un rôle particulier: président du parlement, président de groupe ou ministre.
Or, le président du parlement et tous les présidents de groupe sont des hommes, tout comme la plupart des ministres.
Cette répartition inégale des rôles est l'un des principaux mécanismes menant aux inégalités de temps de parole.
10 personnes ayant le plus parlé au parlement wallon en 2020.
Enlevons maintenant les 9 ministres et 6 présidents pour regarder les 69 "simples" député·es.
Ici, les temps de paroles semblent se répartir de manière un peu plus homogène.
Basé sur le temps de parole des 28 femmes et 41 hommes "simples" député·es en 2020 (ni présidents, ni ministre).
En regardant le nombre d'interventions et la longueur moyenne des interventions de chacun·e, on remarque tout de même des comportements individuels très différents.
On retrouve cette diversité chez les députées comme chez les députés, et il est difficile de distinguer les deux groupes.
Basé sur le temps de parole des 28 femmes et 41 hommes "simples" député·es en 2020 (ni présidents, ni ministre).
Cela dit, en regardant le comportement moyen des hommes et des femmes, on trouve des différences:
Les hommes prennent la parole plus régulièrement et font des interventions un tout petit peu plus longues.
Au total, parmi les député·es n'ayant pas de rôle particulier, chaque homme parle en moyenne 20% de plus que les femmes.
Basé sur le temps de parole des 28 femmes et 41 hommes "simples" député·es en 2020 (ni présidents, ni ministre).
C'est en combinant tous ces facteurs: nombre de sièges, répartition des rôles, nombre d'interventions et durée des interventions que l'on arrive à cette inégalité extrême: 82% du temps de parole au parlement est occupé par les hommes.
Comme si à chaque fois qu'une wallonne parlait 5 minutes, un wallon en parlait presque 25.
Temps de parole des femmes et hommes (député·es et ministres) au parlement wallon en 2020.
La fonction du président du parlement lui impose de prendre très régulièrement la parole, pour modérer le débat ou pour introduire un sujet. Il peut donc être pertinent d'exclure sa participation de l'analyse. Cela dit, même en retirant le président du parlement, les hommes occupent encore plus de 75% du temps de parole.
C'était la situation en 2020.
Temps de parole des femmes (député·es et ministres) au parlement wallon entre 2015 et 2021*
*le temps de parole de 2021 est calculé sur la période de janvier à juillet.
Si l'on regarde l'évolution au cours des dernières années, on observe une amélioration.
Temps de parole des femmes (député·es et ministres) au parlement wallon entre 2015 et 2021*
*le temps de parole de 2021 est calculé sur la période de janvier à juillet.
Cela dit, au rythme actuel, il faudrait attendre encore 25 ans pour voir une égalité de temps de parole entre hommes et femmes au parlement wallon.
Temps de parole des femmes (député·es et ministres) au parlement wallon entre 2015 et 2021* et projection pour le futur.
*le temps de parole de 2021 est calculé sur la période de janvier à juillet.
Recherche, écriture et graphiques par Robin Devooght
Intéressé·e par la situation au niveau fédéral ? Les résultats sont ici: La Chambre des représentant·es.
La conception de cet article a commencé par la création d’une base de données de toutes les interventions au parlement wallon de 2015 à 2021, sur base des comptes rendus mis à disposition par le parlement. Cette base de données a permis de compter, pour chaque intervenant·e, le nombre de mots prononcés pendant les séances plénières du parlement wallon, puis de voir comment ces prises de paroles se répartissaient entre hommes et femmes. J’ai utilisé par facilité l’expression “temps de parole”, mais pour être exact il faudrait donc parler de nombre de mots prononcés et non de durée d’interventions.
Les inégalités liées au genre, aussi extrêmes soient-elles, ne sont qu’un des facteurs qui se combinent pour créer les inégalités de représentations dans nos parlements et nos gouvernements. Il serait intéressant d’étudier cette base de données de manières plus détaillées, en tenant compte d’autres indicateurs comme l'âge, le milieu socio-économique, l’origine, etc.
Si vous êtes intéressé·e par ces données, ou par des données similaires au niveau du parlement fédéral (la chambre des représentants), n'hésitez pas à me contacter: robin.devooght[at]mailo.com
Les graphiques et animations sont réalisés à l’aide de la librairie D3.js, et du scroller écrit par Jim Vallandigham. Le code source de cette page ainsi que les données utilisées sont disponibles sur github.